
ESSENTIALS - Aout 2019
MILES DAVIS - Kind of Blue
Date de sortie : 17 août 1959
Columbia Records
Un brin d’histoire :
Kind of Blue, c’est un peu l’album absolu de la Dream Team de Miles Davis, alors que depuis 4 ans, le monde entier pleure la mort de Charlie Parker, considéré jusque-là comme le plus grand trompettiste de jazz. Avec John Coltrane au saxo ténor, Canonball Adderley à l’alto, Bill Evans au piano, Paul Chambers à la contrebasse et Jimmy Cobb à la batterie, Miles Davis nous livre ici un effort de style qui se hissera tout en haut des classements des meilleurs albums de jazz. Souvent recommandé pour les néophytes désirant s’introduire en douceur dans le carcan peu accessible du jazz, sa facilité d’écoute et de détente permet de s’initier à l’improvisation de manière plutôt digeste. L’album est enregistré à New York entre mars et avril 1969, majoritairement dans le fameux Columbia’s 30th Street Studio, par Teo Macero, connu pour son travail avec Charles Mingus, Dave Brubeck ou encore, plus tard, Simon & Garfunkel.

Artistes similaires :
John Coltrane, Chet Baker, Charlie Parker, Roy Hargrove, Dizzy Gillespie, Freddie Hubbard, Louis Armstrong, Wynton Marsalis, Cannonball Adderley
Quelques anecdotes:
- Kind of Blue est l’album de jazz le plus vendu de tous les temps. Il fait partie des 50 œuvres de la Bibliothèque du Congrès à Washington à avoir été ajoutées au Registre national des Enregistrements. Une sorte de bibliothèque numérique du patrimoine culturel universel.

- Juste avant les sessions d’enregistrement, Miles Davis fournira aux musiciens des esquisses de gammes et de mélodies sur lesquelles ils pourront improviser. Une fois en studio, deux trois brèves instructions et ils balancent la sauce ! Résultat : un album presque capté dans l’instant, avec très peu de prises, lui donnant une spontanéité et une fraicheur inégalée. Une démonstration aussi de la qualité exceptionnelle des musiciens l’entourant, qui auront tous une carrière flamboyante par la suite. Ils se diront très marqués par cet enregistrement qui leur a donné une fameuse corde à leur arc.
- De nombreux musiciens du rock progressif des années 60 citeront Kind of Blue comme une influence majeure. Parmi eux, Richard Wright, claviériste de Pink Floyd, dira que la progression d’accords sur le morceau ‘Breathe’ (sur ‘Dark Side of the Moon’) est empruntée à Miles Davis.
- Bien que venant du style de jazz Bebop (jazz très rapide avec des grilles harmoniques très fournies), Miles Davis inventera avec ‘Kind of Blue’ le jazz modal, voulant s’écarter du Bebop de par les cloisons qu’il impose à sa créativité. Puisant ses racines dans la musique orientale, il se compose de grilles d’accords très simples, n’en comptant que 2 ou 3, ce qui permet au musicien de se lâcher complètement et de partir dans de longues improvisations. Miles Davis en dira : « c’est un véritable retour à l’harmonie, un sentiment de puissance pour toutes ces possibilités de création à partir d’une base harmonique peu importante ». Un vrai révolutionnaire, disons-le ! Le morceau ‘So What’ symbolise à lui seul l’esprit de ‘Kind of Blue’. Ce morceau s’ouvre sur une courte formule mélodique hypnotique à la contrebasse, à laquelle répondent le piano et les instruments vents. Ce jeu de questions/réponses laisse ensuite place aux libres improvisations des interprètes. Le solo simple et concis de Miles demeure l’un des plus célèbres du jazz.

- Pourquoi ‘Jazz modal’ ? Le morceau ‘Flamenco Sketches’ en est une belle illustration ! Bill Evans, le pianiste (et compositeur officiel) fait reposer le morceau sur cinq modes, chaque mode faisant passer une émotion légèrement différente de la précédente. Au haut de la partition, quelques mots manuscrits : ‘Improvisez sur ces modes’.
- A la fin des années 70, Miles Davis est affaibli, notamment par les nombreux excès que sa carrière de musicien philanthrope lui amène. Mais plongeant à pieds joints dans les années 80 avec une admiration profonde qu’il vouera à Michael Jackson et à Prince, il conclura sa carrière en sortant un ultime chef d’œuvre, ‘Tutu’, en 1986. Slaps de basse effrénés par Marcus Miller, synthétiseurs à foison et violons électriques, nous sommes bien dans les années 80 mon bon Marty! Un album ultime, déverrouillant la porte du jazz fusion et pour lequel Miles remportera un Grammy Award, quelques temps avant sa mort en 1991 d’une pneumonie, après un combat contre le sida.
Pour en savoir plus :
« Anybody can play. The note is only 20 percent. The attitude of the motherfucker who plays it is 80 percent. »
Miles Davis.